LA MONOGRAPHIE COMMUNALE DE L’INSTITUTEUR DE VÉLIZY EN 1899

Département de Seine et Oise.
Département de Seine et Oise.

En 1899, l'inspecteur d'Académie de Versailles a demandé aux instituteurs de Seine-et-Oise (dont Vélizy faisait partie à l’époque) de faire une monographie de leur ville ou village pour participer à la préparation de l'exposition du Ministère de l'Instruction publique consacrée à l'enseignement primaire dans le cadre de l'exposition universelle de 1900.

 

La manifestation avait pour but de célébrer le progrès de l'instruction publique et l'efficacité des instituteurs dans l'enseignement de l'histoire et la géographie, facteur indispensable pour renforcer, au sein de la population française, l'unité nationale, l'attachement à la patrie et l'esprit républicain. Il s'agissait donc de présenter des objets et travaux d'enseignants et d'élèves, mais aussi de rédiger des monographies communales.

Chaque monographie devait respecter un plan commun. D'abord, une partie géographique et historique (situation géographique, climat, histoire locale, biographies de personnages remarquables, liste des personnalités locales, économie...) puis une partie consacrée à l'instruction publique, dans laquelle l'instituteur faisait l'historique des bâtiments ayant abrité les écoles et parlait de son métier et de son programme scolaire.

L’instituteur en place à Vélizy en 1899 rédigea pour sa part une monographie du village avec une partie géographique, une esquisse historique et une partie instruction publique. Il réalisa également un plan sommaire du village de Vélizy (page 2) ainsi qu’un plan de l’école construite en 1887 (page 12).

Nous avons retranscrit le texte de cette monographie pour plus de simplicité de lecture.

Ce document est conservé aux Archives départementales des Yvelines.

Monographie communale de l'instituteur de Vélizy, 1899

Cote : 1T/MONO 12 [9]

Date : 1899

Partie géographique

Le petit village de Vélizy qui, avec le hameau de Villacoublay, compte environ 270 habitants, est néanmoins une des communes les plus importantes du département de Seine-et-Oise au point de vue agricole. Il est limité au nord par les communes de Viroflay et Châville, à l'est par Meudon et Clamart, au sud par Bièvres et Jouy-en-Josas, à l'ouest par Versailles.

Sa superficie territoriale mesure 889 hectares et son altitude atteint 180 mètres. La plaine de Vélizy se trouve au point culminant du vaste plateau situé au sud ouest de Paris, à la lisière des grands bois de Meudon qui semblent l'isoler et le cacher comme un gigantesque berceau de feuillage. C'est pourquoi Madame Michelet qui, jusqu'à sa mort, en a fait sa résidence d'été, l'avait baptisé Vélizy-les-Bois. En effet, à trois lieues de Paris, ce charmant coin offre tous les attraits de la campagne.

Aussi dès les premiers beaux jours y voit-on accourir de nombreux artistes qu'inspirent les points de vue admirables et les sites si variés des environs ainsi que les citadins amateurs de grand air et de joyeux ébats.

Je viens de dire que Vélizy était une commune essentiellement agricole. Son sol argileux est très fertile et rendu plus productif grâce à la proximité de Paris et de Versailles qui fournissent des engrais et fumiers à peu de frais aux agriculteurs de l'endroit.

Le climat est plutôt froid à cause de l'altitude relativement élevée de la plaine sur laquelle se trouve construit le village.

Il résulte aussi de cette élévation du terrain que, dans les époques de sécheresse, les habitants sont souvent privés d'eau pour les usages domestiques ; il est facile de comprendre que les citernes les plus grandes finissent par se tarir quand même. C'est peut-être là le plus grand inconvénient de la vie à Vélizy. Les animaux même n'ont qu'une mare unique pour venir s'abreuver ; c'est aussi cette mare qui sert de lavoir public. Heureusement qu'elle est vaste et bien aérée, sans quoi elle serait un vrai foyer d'infection, d'autant plus qu'elle est au centre du village et que les bestiaux viennent souvent la troubler. Mais le curage étant une opération longue et coûteuse et les eaux du ciel seulement se déversant dans la mare, les cultivateurs voient toujours avec inquiétude une trop longue privation d'eau ; aussi mettent-ils peu d'empressement à faire faire le nettoyage en question. C'est grand dommage pour la propreté et l'hygiène de notre petit village.

Pas un seul cours d'eau n'arrose notre territoire. Quelque faibles sources suintent seulement dans les parties les plus basses et se déversent dans deux étangs : celui des Ecrevisses et celui d'Ursine du côté de Châville. A noter en passant une de ces sources qui est ferrugineuse ; elle se déverse dans l'étang d'Ursines. Ces étangs sont la propriété de l'Etat qui en loue la pêche à un adjudicataire.

Les communications avec les environs sont facilitées par la Route nationale 186 qui traverse la plaine de l'ouest à l'est, sur une longueur de près de 5 kilomètres, par un chemin de grande communication qui relie Jouy-en-Josas avec Viroflay et Châville et dont nous possédons environ 4 kilomètres ; enfin un chemin vicinal ordinaire relie pendant 1 kilomètre notre commune à celle de Bièvres. Enfin une douzaine de chemins ruraux classés et reconnus par le Conseil municipal facilitent les relations intérieures du village.

La ligne de chemin de fer passant le plus près de Vélizy est celle de Paris à Versailles. Les stations de Viroflay et Châville ne sont guère distantes que de trois kilomètres. Celle de Jouy-en-Josas sur la ligne de Grande Ceinture est à environ 4 kilomètres.

Le prolongement de la ligne des Moulineaux, actuellement en construction, nous rapprochera encore du chemin de fer car nous aurons une gare de voyageurs et de marchandises à une distance de deux kilomètres.

Cette gare de marchandises avait été demandée par plusieurs conseils municipaux et en particulier par celui de Vélizy qui y vit là une grande facilité pour l'écoulement de ses produits agricoles, car Jouy-en-Josas est loin et Versailles plus loin encore fait de plus subir les formalités ennuyeuses de l'octroi.

En résumé, quoique caché, Vélizy est bien placé au point de vue des communications ; c'est ce qui en fait surtout pendant les beaux jours un endroit si fréquenté.

 

Le territoire de Vélizy comprend des terres labourables et des bois, ces derniers entrant pour plus d'un tiers (360 ha) dans la superficie totale. L'Etat à lui seul possède presque tous ces bois ; c'est à eux surtout que Vélizy doit tout son attrait.

Le reste de la propriété est partagé entre trois grandes fermes. C'est dire que le terrain est peu morcelé car dans chacune de ces exploitations toutes les terres sont attenantes les unes aux autres. Aussi ces fermes font elles l'admiration des connaisseurs encore plus par l'abondance des récoltes que par leur étendue.

Il est juste de dire aussi que les agriculteurs qui sont à la tête de ces exploitations sont des plus distingués et que tous leurs efforts sont tournés vers l'emploi des procédés nouveaux. Leur peine n'est pas perdue car ils arrivent à des rendements surprenants : le blé par exemple produit jusqu'à 30 quintaux à l'hectare alors que le rendement moyen de la France est 15 quintaux.

Les principales cultures sont : le blé, l'avoine, les pommes de terre, les betteraves fourragères et industrielles, les fourrages, etc. On récolte annuellement environ 2500 quintaux de blé, 2000 quintaux d'avoine, 15000 quintaux de pommes de terre et 8000 quintaux de betteraves. La plus grande partie des fourrages est consommée en vert ; les nourrisseurs des environs achètent sur pied un part de la récolte et viennent tous les jours faucher leur provision. C'est un avantage pour le cultivateur qui, par ce fait, se trouve débarrassé du souci de faire sécher ses fourrages.

On ne fait pas l'élevage du bétail, les pâturages étant insuffisants. Les chevaux, bœufs, vaches, moutons sont achetés directement au commerce.

Les animaux les plus nuisibles sont les corbeaux qui s'abattent par bandes innombrables sur les champs nouvellement ensemencés. Ils mangent beaucoup de grains et en arrachent une plus grande quantité. Ce nombre incalculable de destructeurs est dû au voisinage de la forêt. Il est dû encore à la mauvaise volonté de l'Administration des forêts qui met toutes les entraves possibles à ce que les cultivateurs puissent entrer eux-mêmes dans la forêt pour y détruire eux-mêmes les nids de corbeaux.

 

Le territoire de cette commune repose en général sur un banc de pierre meulière. La seule industrie du village consiste à extraire cette pierre. Depuis 1840 une partie du sol a été fouillée ; on a extrait des pierres qui ont servi à faire le mur d'enceinte de Paris.

Le voisinage de la forêt attire quelques bûcherons à Vélizy, qui, nous l'avons déjà dit, possède 360 hectares de bois. Avec le châtaignier on fabrique des échalas expédiés en Champagne. Les chênes, plus que centenaires, servent à faire des charpentes destinées à la construction des navires. Les boulangers achètent le bouleau.

Le seul commerce important est la vente des produits agricoles qui, en général, s'écoulent sur Paris. La faible distance qui nous sépare de la capitale permet aux cultivateurs de rapporter aisément des quantités énormes de fumiers qui engraisseront leurs terres.

Esquisse historique

Autrefois Vélizy n'était qu'un simple hameau dépendant du village d'Ursines. Ursines était au milieu du bois, à un kilomètre environ dans la direction nord et plus près de Chaville ; le rond d'Ursines existe encore aujourd'hui, et les promeneurs admirent au centre de son emplacement un magnifique hêtre pourpre planté, dit-on, le jour de la naissance du duc de Bordeaux, plus tard comte de Chambord.

Ursines fut érigé en paroisse au treizième siècle. L'église fit alors partie du village de Versailles. Elle était à une demi-lieue de celle de Châville, vers le midi, le presbytère était auprès, avec quelques maisons.

Lorsque Louvois eut acheté la seigneurie de Châville, à la requête des habitants d'Ursines, il fit transporter leur église à Vélizy, le 15 avril 1674. L'archevêque de Paris avait autorisé cette translation parce que cette église était située dans un endroit bas et marécageux ; de plus, elle était en ruine et l'air malsain du presbytère faisait "que les curés vivaient peu". A la place de l'antique église d'Ursines, Louvois fit creuser un étang pour alimenter son parc de Châville. Il paraît qu'à cette époque on cultivait beaucoup le chanvre à Ursines et qu'on allait vendre la filasse à la foire de Meudon.

Auprès du vieux château se trouvait le vivier, rempli d'excellents poissons, la garenne abondamment fournie ainsi que le colombier, le verger avec ses fruits succulents, une étable et une bergerie. Tout cela prouvait beaucoup de bien-être aux habitants du lieu. On voit d'ici quelles délicieuses journées on devait passer en été dans ce vallon si frais et si verdoyant. Quelles bonnes parties de chasse on a dû faire dans ces bois où le chevreuil et le sanglier régnaient en maîtres ! Le son du cor a dû bien des fois égayer le fond de cette vallée !

Malheureusement l'hiver, avec ses pluies, ses froids, ses brouillards humides et malsains se dégageant des marécages, n'en faisait plus un séjour agréable et salubre. C'est pourquoi, après la St Denis, patron d'Ursines, le seigneur et ses invités émigraient vers des contrées plus saines. Un grand nombre d'habitants avaient déjà déserté la vallée pour aller s'établir dans le haut de la colline, à Vélizy. C'est ainsi qu'Ursines s'est dépeuplé et s'est vu transplanté à Vélizy.

L'église que Louvois y a fait construire sous le vocable de St Denis existe toujours et les nombreux visiteurs admirent toujours le portail de ce monument. Le fronton en effet représente les armoiries du célèbre ministre de la guerre de Louis XIV : un dauphin et trois lézards.

C'est à Vélizy que le général Exelmans a, en 1815, au lendemain de Waterloo, à la tête des dragons, culbuté deux régiments de hussards prussiens qu'il chargea à outrance jusqu'à Rocquencourt ou ils furent complètement détruits par des détachements de l'armée française.

Malheureusement, ce brillant fait d'armes n'eut pas pour la France de résultats heureux. Vingt-deux ans de luttes sanglantes nous avaient épuisés et nous étions vaincus.

C'est à ce combat que Vélizy a été brûlé presque complètement, ce qui lui a fait donner le surnom de Petit Moscou.

Vélizy a encore vu les Prussiens en 1870 et il paraît que plusieurs officiers généraux allemands y avaient déjà séjourné en 1814 et 1815. En 1870, nos redoutables ennemis avaient un immense parc d'artillerie dans la ferme de M. Rabourdin, à Villacoublay, à ce moment maire de Vélizy. Tandis que M. Rabourdin donne des soins aux blessés prussiens et français dans sa ferme convertie en ambulance, officiers et soldats pillent sa cave et répandent sur le sol tout ce qu'ils ne peuvent boire ou emporter.

    C'est près de là que le 19 septembre a eu lieu le combat de Châtillon et l'épisode de la Grange Dame Rose où quelques zouaves ont lutté contre une nombreuse troupe ennemie et ont été massacrés après une résistance opiniâtre. Une plaque commémorative rappelant ce fait est scellée dans le mur du clos de la ferme de Dame Rose.

Instruction publique

A part les registres de l'Etat civil qui remontent à l'année 1594, les archives de la Mairie ont été détruites en 1870, de sorte qu'il n'est pas possible de connaître exactement l'histoire de l'école ; mais les anciens du village consultés à ce sujet ont toujours vu une école à Vélizy.

Cette école est donc de création très ancienne ; sans doute elle a toujours été mixte, quant aux sexes, et publique.

Le nombre d'élèves n'a jamais beaucoup varié : entre 30 et 40. Cependant depuis quelques années la population scolaire tend plutôt à augmenter.

Le poste d'instituteur à Vélizy a toujours été bon et les maîtres y restent longtemps. Il y a trente-cinq ans, l'Instituteur qui y exerçait et qui y est resté plus de vingt ans, gagnait déjà plus de deux mille francs, y compris le traitement de secrétaire de la mairie. Aujourd'hui le traitement approche de trois mille francs en y comprenant le secrétariat de la mairie et le salaire de la maîtresse des travaux à l'aiguille qui reçoit pour cet enseignement deux cents francs d'indemnité.

M. Mesnil, ancien instituteur à Vélizy, est devenu membre du Conseil départemental de l'Instruction publique en Seine-et-Oise. M. Messin, son successeur, a été nommé Inspecteur primaire honoraire du département de la Seine.

Grâce au libéralisme bien compris de M. Gossart, maire, et de son conseil municipal, Vélizy a été doté en 1887 d'une nouvelle école qui ne laisse rien à désirer : salle vaste, haute, bien aérée et bien éclairée, exposée au midi, jardin de cinq ares environ planté de nombreux arbres fruitiers que les garçons s'exercent à tailler sous la direction de l'instituteur actuel.

La maison d'habitation est toute neuve aussi et fort convenable ; elle est éloignée de tout établissement dangereux ou insalubre. C'est bien regrettable cependant que les cabinets d'aisance aient été placés sous les fenêtres à une si faible distance. C'est un déplacement à faire que le bon sens impose.

Quant à l'organisation pédagogique de cette école, elle est conforme au programme officiel adopté par les instituteurs du département, conformément à la circulaire de M. l'Inspecteur d'Académie Cazes, à la date du 12 juillet 1894.

Les récompenses employées sont : les félicitations et encouragements à tout élève qui montre du bon vouloir ; les bons points historiques, géographiques ou scientifiques avec gravure et légende ; un cahier d'honneur pour conserver les devoirs les mieux faits ; enfin une distribution de prix à la fin de l'année scolaire avec livrets de caisse d'épargne aux certificats d'études et aux meilleurs élèves. Les punitions sont les réprimandes et la retenue après la classe pour recommencer les devoirs mal faits et apprendre les leçons non sues.

On peut dire que la fréquentation est régulière. Quelques malheureux seulement retiennent leurs enfants dans les besoins les plus pressants. Aussi très peu d'élèves quittent l'école sans le certificat d'études.

    Un cours d'adultes est ouvert tous les ans pendant trois mois.


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