LA CORNE DE LA LÉGENDAIRE LICORNE

Deux narvals remontent à la surface pour respirer.
Deux narvals remontent à la surface pour respirer.

Le Narval (Monodon monoceros), surnommé la licorne des mers, est un cétacé vivant dans l'océan Arctique. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, on pensait que les exemplaires connus de cette « corne » appartenaient à la légendaire licorne. La rareté du narval et son habitat réduit ont contribué à la persistance de la légende.

 

Les mâles possèdent une unique dent torsadée, issue de l'incisive supérieure gauche, qui peut mesurer jusqu'à trois mètres de long. L'animal lui-même a une longueur de 4 à 5 mètres et vit habituellement en groupes familiaux de vingt ou trente individus.

Dent de Narval.
Dent de Narval.

 

La légende de la licorne date de la Grèce antique. La corne des rhinocéros était vendue comme étant une corne de licorne, jusqu'à ce que l'on découvre celle des narvals : longue et torsadée. La dent du narval a beaucoup contribué à forger l'image que l'on se donnait de la licorne au Moyen Âge. Les navigateurs, surtout les nordiques (et notamment les danois), revendaient cette corne pour plusieurs fois son poids en or. 

Tapisserie de la Dame à la licorne – Musée de Cluny
Tapisserie de la Dame à la licorne – Musée de Cluny (Paris).

En dépit de son caractère fabuleux, la licorne est souvent représentée au Moyen Âge dans un environnement quotidien. Elle est montrée comme un animal réel au même titre que le lion ou le faucon, comme c’est le cas avec les tapisseries de « La Dame à la licorne ». Persiste alors, quant à son existence, un doute que viennent renforcer les récits de certains voyageurs qui s’aventurent en Orient et sont convaincus d’en apercevoir. Marco Polo, le plus célèbre d’entre eux, la décrit dans son Livre des merveilles. Tenace est alors la croyance que les régions orientales lointaines et fascinantes sont peuplées de lions, singes, éléphants, licornes, griffons, tous aussi réels les uns que les autres.

La licorne, une créature imaginaire

Une licorne dans le Livre des Merveilles de Marco Polo.
Une licorne dans le Livre des Merveilles de Marco Polo.

Il y a eu bien des histoires sur la dent de Narval. On la regardait jadis comme la défense de la licorne, qui la portait au milieu du front. Cet être fabuleux ressemblait, disait-on, au cheval et au cerf. Aristote et Pline l’ont décrite, et l’on retrouve son image sur plusieurs anciens monuments. Sa figure a été adoptée par la chevalerie au Moyen Âge, et a souvent décoré les trophées des fêtes militaires. Nos aïeux attribuaient à la dent du Narval, qu’ils appelaient dent de Licorne, de merveilleuses vertus médicinales. On la croyait l’antidote infaillible de toute substance toxique ; on était persuadé qu’elle anéantissait toutes les propriétés malfaisantes des substances vénéneuses.

Bestiaire latin. Londres, The British Library, MS. Royal 12.F.XIII, f°10
Bestiaire latin. Londres, The British Library, MS. Royal 12.F.XIII, f°10

Mais c’est surtout dans la licorne que réside le merveilleux, car c’est une créature fabuleuse au corps de cheval, à la tête et aux pattes de chèvre, et à la dent de narval en guise de corne. Sa présence témoigne de la place qu’elle occupe dans l’imaginaire médiéval. Les bestiaires médiévaux dans lesquels elle est décrite sont inspirés des légendes véhiculées durant l’Antiquité.

 

S'emparer d'une licorne est possible à condition de recourir à une ruse cruelle. L'animal étant attiré par l'odeur de la virginité, il faut asseoir dans une clairière une jeune fille vierge : la licorne sortira des fourrés et viendra s'endormir sur son sein. Les chasseurs pourront alors s'en emparer.

« La licorne en captivité » 1495–1505 (MET, New York).
« La licorne en captivité » 1495–1505 (MET, New York).

Ainsi piégée, elle peut être capturée et retenue dans un enclos, comme on peut le voir dans une des tapisseries de la tenture de La Chasse à la licorne conservée au Metropolitan Museum de New York. 

 

Charles IX, craignant d’être empoisonné, avait grand soin de faire tremper dans sa coupe un morceau de dent de licorne.

 

Au XVIe siècle, Élisabeth 1ère d'Angleterre aurait payé plus de 10 000 livres pour une seule corne, soit le prix d'un château en entier. Les gens attribuaient des vertus à ces cornes, telle la faculté de neutraliser les poisons, et se faisaient donc faire des gobelets dans cet ivoire. Il a fallu attendre 1704 pour que le lien soit établi avec le narval.

L'un des premiers à soupçonner une supercherie fut Ambroise Paré. Dans son « Discours de la momie, de la licorne, des venins et de la peste » de 1582, Paré émet la possibilité que la corne de licorne soit en réalité la corne d’un animal marin, même si sa représentation du cétacé est encore quelque peu éloignée de la réalité…


Écrire commentaire

Commentaires: 0