LES SORBETS : L’HISTOIRE D’UNE FRAÎCHEUR ANTIQUE

Rapporté du Moyen-Orient par les croisés espagnols, la « neige » ne fait son entrée à la cour de France qu'au XVIe siècle. À la veille de la Révolution, les innovations du Café Procope, à Paris, font fureur !

 

Récupération la glace et la neige sur les sommets enneigés des montagnes.
Récupération la glace et la neige sur les sommets enneigés des montagnes.

 

On dit qu'Abraham est le premier à avoir goûté à un verre de lait mélangé à de la neige. Une chose est sûre : deux mille ans avant J.-C., on trouve des glacières dans la vallée de l'Euphrate. Même si la pratique de boire glacé est dénoncée par Hippocrate, médecin grec du Ve siècle avant notre ère, Grecs et Romains améliorent les recettes. Néron a coutume d'offrir à ses invités un dessert composé de fruits écrasés, de miel et de neige. Neige qui vient par bateau de l'Etna et du Vésuve. Les invasions barbares interrompent en Occident l'histoire de la glace qui devient une spécialité arabe. À Bagdad, au IXe siècle, les califes se délectent de sharâbs, ces sirops de fruits et de fleurs mélangés avec du sucre et de la glace. Si le sorbet est plaisir de prince, il est aussi gourmandise du peuple grâce aux nombreux marchands ambulants qui proposent de la « neige ». L'art du sorbet se transmet en Sicile et en Andalousie, où une corporation de marchands va chercher la glace dans la sierra Nevada et la rapporte enveloppée dans des sacs de jute.

Sorbets aux fruits

Les croisés font connaissance avec le sorbet dans leurs pérégrinations au Moyen-Orient, mais il faut attendre le XVIe siècle pour qu'il fasse son apparition à la cour de France. On le doit à l'Italie, où il régale les familles nobles, notamment les Médicis. Les guerres d'Italie, le mariage de Catherine de Médicis avec Henri II, puis celui de Henri IV avec Marie de Médicis le mettent définitivement à la mode.

Café Procope 13, rue de l'Ancienne-Comédie 75006 Paris
Café Procope 13, rue de l'Ancienne-Comédie 75006 Paris.

Le succès public vient avec Francesco Procope, un Sicilien qui ouvre en  1686, à Paris, une maison où l'on sert du café, du chocolat, des boissons fruitées et fleuries et les fameux sorbets qui font fureur. Et cela malgré les mises en garde de certains pour qui l'usage de la glace est « pernicieux, mortifère et cause d'étranges accidents au corps humain : elle y fait naître des coliques, des tremblements, des convulsions horribles… » peut-on lire dans L'Art de bien traiter (1674).

 

À la veille de la Révolution, le Café Procope en propose 80

à sa carte : jasmin, ambre, pistache, truffe, jonquille, bigarade, violette, menthe, girofle, bergamote, raisin, noix, amande… Ils sont plus de 150 limonadiers à vendre des « glaces de fruits et de fleurs ». Diderot, Rousseau, Buffon font partie des adeptes, tout comme Danton et Robespierre.

 

Sorbetière ambulante.
Vendeur de glace avec sa sorbetière ambulante.

La sorbetière, que l'on dit inventée par les Chinois, devient un ustensile classique des familles bourgeoises du XVIIIe siècle et les grands cuisiniers rivalisent de créativité pour inventer de nouvelles recettes.

Louis XV adore la glace aux macarons et, paraît-il, la fabrique lui-même. Au XIXe siècle, les glaces entrent dans les meilleurs restaurants. La pêche Melba est inventée par Escoffier vers 1893 pour la célèbre cantatrice Nelly Melba. Les glaces prennent aussi le chemin des rues avec l'apparition de marchands ambulants. La première machine à fabriquer des glaçons est présentée en 1859 à l'exposition universelle de Londres. Et aux États-Unis, en 1890, un immigré italien aurait inventé le cornet de glace. Cette fois, glaces et sorbets sont prêts à faire le tour du monde et ne vont pas s'en priver !


Écrire commentaire

Commentaires: 0